Temps libre et réussite sociale
Si, au XIXe siècle, le fait de revendiquer son temps libre était un signe de réussite sociale et d’accomplissement personnel, il semble en être tout autre en 2017 : un salarié complètement « débordé » de travail serait mieux perçu socialement.
Une étude réalisée par Silvia Bellezza, Neeru Paharia et Anat Keinan des universités de Columbia, Georgetown et Harvard, a tenté de décrypter le symptôme actuel en démontrant que des signaux sociaux, tels que le manque de temps, sont souvent perçus comme rattachés à la compétence et à l’ambition, ce qui correspond aux qualités les plus recherchées sur le marché du travail.
Et plus nous continuerons de penser que la réussite sociale est basée sur la quantité de travail accumulée, plus les salariés n’ayant aucune forme de loisir et travaillant tout le temps seront perçus comme ayant un statut social supérieur aux autres.
Pas si occupés que cela…
Il est intéressant de se demander si le fait d’être constamment « occupé » n’est autre qu’une façon de simplement s’affirmer, socialement parlant, et montrer aux yeux de tous nos collègues notre utilité au sein de notre environnement professionnel.
Un essai de Tim Kreider paru en 2012 dans le New York Times nous rappelle les dérives de ce qu’il surnomme « The Busy Trap » : « Le fait d’être constamment débordé est une façon de se rassurer existentiellement, d’éviter le sentiment de vide ; bien sûr, votre vie ne peut pas être insignifiante et triviale si vous avez tant de choses à faire, que vous êtes sollicité toute la journée. »
En 2016, dans le cadre d’une étude, Havas a demandé à 10.000 personnes dans 28 pays, si parfois, elles n’exagéraient pas quand elles prétendaient que leur planning était surchargé. Près de 40% des personnes sondées ont répondu par l’affirmative. La part a grimpé à 51% pour les actifs issus de la génération Y, contre 26% chez ceux de la génération X. Au total, 60% admettaient n’être pas aussi occupés qu’ils le prétendaient.
65% des Milléniaux sont en accord avec l’affirmation suivante : « La plupart des gens font semblant d’être plus débordés qu’ils ne le sont ».
5 recettes pour paraître très occupé
Plus grand monde n’est dupe mais si vous décidez tout de même de faire semblant, il existe quelques techniques définies au sein d’un ouvrage intitulé « Notre entreprise est formidable » paru aux Editions Payot. L’auteur, Roger Alexandre, y liste, sous forme de clin d’oeil, comment faire semblant d’être très occupé :
- Evitez d’arriver en avance. Au contraire, soyez toujours un peu en retard. Il faut faire croire à vos collaborateurs que vous avez commencé votre journée depuis longtemps. Pour cela, il faut souligner votre entrée dans la salle d’un : « Ah, les nuits sont courtes ! » ou par cette formule souveraine : « Quelle plaie, ces petits déjeuners d’affaires ! ».
- Adoptez la démarche des gens pour qui le temps est précieux. Autrement dit, quand vous vous déplacez, ayez le pas lourd et pressé. Foncez en attaquant du talon. Si vous allez aux toilettes, on doit croire que vous vous rendez à un conseil d’administration.
- Soignez votre attitude en réunion : arrivez toujours dix minutes après l’heure de la convocation, même si elle a lieu à la même heure tous les jours. Pour montrer votre implication, enchaînez les interventions du type : « non mais franchement » ou » faut arrêter », en alternance avec pas mal de « voilà ».
- Si la cantine ferme à 14h00, présentez-vous à 13h59. Juste pour taper du pied et après allez au restaurant.
- Dernier conseil, laissez une vieille veste sur votre siège. Quelle que soit l’heure, vos collègues se diront que vous êtes encore dans les murs si vous décidez de partir plus tôt.
Résolution 2018 : Arrêtons la comédie, soyons vrais !