Snoop Dogg comme argument marketing, ou comment gérer l’attente du client
Dans une entreprise, les équipes commerciales et marketing sont souvent distinctes, alors que leurs missions sont étroitement liées. En effet, si elles évoluent main dans la main et allient leurs forces, elles peuvent radicalement transformer la performance de l’entreprise.
Le défi réside souvent dans les choix et les engagements en matière de communication. Une campagne d’awareness – dont l’objectif principal est d’accroître la visibilité d’un produit ou d’un service, a le potentiel d’augmenter significativement les ventes d’une entreprise. Si ce n’est pas immédiatement le cas, ses effets positifs durables (sur l’image de marque par exemple) vont contribuer à l’amélioration à long terme des performances financières.
Un cas récent illustre le lien étroit entre les ventes et le marketing, en particulier en ce qui concerne la notoriété de la marque. Retour sur un cas qui a attiré l’attention du secteur de la publicité et de la communication.
Élaborer une stratégie marketing avec Snoop Dogg
D’une part, Calvin Cordozar Broadus Jr, plus connu sous le nom de Snoop Dogg ; une figure éminente et parfois controversée de la culture pop, qui compte 84,5 millions d’abonnés sur Instagram. Indépendamment des opinions individuelles, la marque Snoop Dogg jouit d’une large reconnaissance dans divers groupes d’âge, intérêts et zones géographiques.
En face, l’entreprise de brasero Solo Stove, autrefois un célèbre projet sur Kickstarter (NDLR : une plateforme de financement), qui a été confronté à des difficultés sur le marché boursier.
Au départ, les deux entités ne semblaient pas liées : Snoop Dogg est connu pour son association avec le tabagisme, tandis que Solo Stove était célèbre pour ses braseros sans fumée.
Mais voilà qu’une idée originale est née : et si l’on pouvait persuader Snoop Dogg d’adhérer au concept du « sans-fumée » ? Et si son adhésion à ce concept pouvait être diffusée par l’intermédiaire de ses réseaux sociaux ? S’engager dans une telle approche ne pourrait-il pas changer l’histoire de cette entreprise en difficulté ? Ce plan relativement ambitieux s’est concrétisé le 16 novembre 2023, lorsque Snoop Dogg a déclaré publiquement sa décision d’arrêter de fumer sur son compte Instagram.
Analyse de l’impact
Un simple post Instagram a déclenché une vague d’engagement en ligne, accumulant 2,8 millions de likes, 84 000 commentaires et une croissance considérable de 15 % du compte Instagram de Solo Stove. Leur site web a lui aussi connu un pic important, doublant son trafic dans la semaine qui a suivi le post. Un élan viral qui s’est avéré de courte durée, car le trafic a rapidement diminué pour atteindre son point le plus bas au cours des trois derniers mois.
L’après-coup a donné lieu à une avalanche de titres, de messages sur les réseaux sociaux et de réactions, de nombreux professionnels du marketing saluant l’intelligence de la stratégie. Ad Age a reconnu la publicité de Solo Stove, la classant au 18e rang des 40 meilleures publicités de 2023.
Malgré le succès perçu en termes d’attention médiatique, l’entreprise a eu du mal à le traduire en ventes réelles. Le manque de succès a été suffisamment important pour que le PDG de Solo Stove démissionne en janvier 2024. La société mère, Solo Brands, a officiellement annoncé le départ du PDG, en citant :
« Bien que nos campagnes de marketing innovantes aient réussi à accroître la notoriété de la marque Solo Stove auprès d’un public plus large, elles n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de vente que nous nous étions fixés. Cette situation, associée à l’augmentation des investissements en marketing, a eu un impact négatif sur notre EBITDA. »
Voilà un revirement de situation pour le moins intrigant.
Clarifier la distinction entre la notoriété de la marque et les ventes
En tant que spécialistes du marketing, notre première réaction a été de constater la rapidité avec laquelle les événements se sont déroulés et le peu de temps imparti pour démontrer les effets de cette campagne marketing avec Snoop Dogg. Au-delà de la rapidité d’exécution, ce qui nous a frappés, c’est également l’absence évidente de communication claire ou d’attentes établies concernant la définition du succès de cette idée peu conventionnelle.
Croyait-on vraiment qu’un ou deux posts Instagram pourraient avoir un tel impact sur les ventes d’un produit qui, pour la plupart des clients, représente une envie plutôt qu’une nécessité, et dont le prix avoisine les 150 euros en entrée de gamme ?
Une analyse plus approfondie de la campagne soulève d’autres questions pertinentes. Pourquoi la limiter à 1 ou 2 posts ? Pourquoi la lancer si tard dans l’année ? L’objectif était-il de transformer ce produit en produit phare des paniers du Black Friday et de Noël pour les nouveaux clients ? En outre, la campagne a-t-elle été accompagnée par une campagne Paid ?
Une question plus importante encore concerne l’allocation du budget marketing annuel à cette entreprise, en particulier au vu de la déclaration relative à l’absence d’objectifs de vente et de l’impact négatif sur l’EBITDA qui en a résulté.
Bien que les retombées aient abouti à la révocation du PDG, devait-il être le seul à assumer l’entière responsabilité de la situation ?
Il semble qu’à un moment donné, quelqu’un a émis l’idée que cette activité entraînerait directement une augmentation des ventes. Une partie de cette responsabilité repose sur les épaules de l’équipe marketing. Cela prouve qu’il est primordial de définir clairement les objectifs d’une campagne, ses tenants et aboutissants et in fine son impact.
Ce cas illustre de manière saisissante la puissance que peuvent avoir les stratégies de marketing, telles que les campagnes d’influence, tout en apportant de précieuses leçons sur ce qu’il faut et ne faut pas faire ; mais aussi sur la manière dont il ne faut pas aborder les objectifs commerciaux ni en mesurer le succès.
Et si on s’améliorait en 2024 ?
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